Ouvrir le hublot de sa machine à laver fait partie de notre quotidien. Un T-shirt porté une journée et direction la corbeille de linge sale. Et si l’un des plus gros impacts de l’industrie textile se cachait derrière ce simple geste ?
Une pollution à tous les niveaux
On le sait désormais, l’industrie de la mode pollue. Avec 100 milliards de vêtements vendus, elle émet chaque année 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre. D’après l’Ademe, 4 % de l’eau potable sont utilisés pour produire les vêtements. Il faut environ 10 000 litres d’eau pour produire un seul jean, et plus de 2 500 litres pour un T-shirt. On estime également que 30 % des cours d’eau sont pollués par la teinture textile.
De plus, 17 % de la consommation d’eau d’un foyer est due au lavage en machine. Cette eau est polluée par les lessives contenant des agents tensioactifs ou de blanchiment, des solvants, des parfums, et d’autres substances non biodégradables.
Mais ce n’est pas tout : selon l’Ademe, les vêtements synthétiques (dont les fibres sont dérivées du pétrole) rejettent plus de 500 000 tonnes de microfibres de plastiques dans les océans. Il s’agit de la principale source de pollution des océans, avec les sacs plastiques.
Moins de lavage en machine, une solution ?
Opter pour les matières naturelles
Généralement, on passe ses vêtements en machine car ils sont tachés, parfois car ils sentent. Pour cette seconde raison, l’odeur provient souvent de la matière du vêtement. En effet, la réaction de la sueur avec une matière synthétique génère plus d’odeur. Faites le test avec un t-shirt en polyester et un t-shirt en coton, vous sentirez la différence !
De plus, en portant des vêtements en matière naturelle, vous ne contribuerez pas à la pollution marine liée aux microparticules de plastique. Certaines matières sont intéressantes, tels que le coton (biologique, car sa culture nécessite beaucoup d’eau et de pesticide), le lin, le chanvre, voire des matières hybrides fabriquées à partir de matières premières naturelles transformées comme le lyocell (pulpe de bois dissoute dans un solvant organique recyclable). Les matières dérivées du plastique recyclées, bien qu’elles revalorisent l’existant, ne permettent pas la diminution de la pollution marine liée au plastique.
Cependant, cette affirmation est à nuancer. En effet, les fibres naturelles sont également présentes dans les mers et océans. Et elles sont plus polluantes que ce que l’on croit. Nous nous sommes fondés sur l’analyse de l’ingénieure matériaux Kakolina pour rédiger ce paragraphe. De nombreuses études ne prennent pas en compte l’effet des microfibres naturelles sur l’environnement et mettent seulement l’accent sur les microparticules de plastique. Pourtant, il a été démontré que, comparé au polyester, 4 à 5 fois plus de fibre de coton sont créées à chaque cycle de lavage, quelle que soit la température. Cela pose un problème car, bien que biodégradables – contrairement aux fibres synthétiques –, les fibres naturelles mettent longtemps à se dégrader et deviennent des nanoparticules. La durée de dégradation augmente dès qu’un traitement chimique est réalisé sur la fibre textile (teinture, imperméabilisation, etc.), jusqu’à plus d’une centaine d’années. Récemment, nous avons découvert que près de 80 % des fibres retrouvées dans les fonds marins du sud de l’Europe étaient des fibres naturelles de coton et de lin.
Pour limiter la dispersion de particules synthétiques ou naturelles dans l’eau, des filets de lavage ou des cartouches reliées au tuyau d’eau permettent de récupérer les particules. Deux inconvénients sont malgré tout notables :
- Les particules sont mises à la poubelle, et peuvent se retrouver enfouies et polluer les sols.
- Les cartouches doivent être changées régulièrement, même si elles sont consignées et réutilisées par la suite.
Il est donc indispensable de se tourner vers des vêtements de qualité, dont la matière et les teintures sont durables. Cela permet de diminuer la pollution qui a lieu lors de la fabrication du textile (teinture, matière première), lors du lavage (microparticules) et après l’utilisation. En effet, on peut l’oublier, mais un vêtement qui ne résiste pas au lavage, qui se détend ou déteint, ne pourra pas être revalorisé s’il est déposé dans une borne de tri de vêtements.
Changer de lessive
On pense souvent que, plus on met de lessive, plus le linge est propre. Au contraire, trop de mousse dans le tambour de la machine empêche les vêtements de se frotter et donc de se nettoyer (comme dans les lavoirs, quand les femmes frottaient les linges). De plus, il faut doser la lessive en fonction de la dureté de votre eau (information à demander à votre commune) : plus l’eau est dure, plus elle demande de lessive. Enfin, il faut suivre les consignes inscrites sur l’emballage de votre lessive.
Deux labels sont à chercher pour un lavage écologique :
- l’Ecolabel Européen qui assure des impacts environnementaux réduits sur l’ensemble du cycle de vie du produit,
- l’Ecocert qui garantit une composition au maximum naturelle, peu de produit synthétique et peu de risque environnemental.
Vous pouvez aussi fabriquer vos lessives maison, en suivant les recettes proposées par L’Info Durable par exemple. Ou tout simplement vous tourner vers des marques françaises telles que Mutyne, une lessive naturelle, écologique et efficace à basse température.
Laver en mode éco
On peut avoir peur que le lavage basse température ne tue pas les bactéries. Mais il faut garder à l’esprit que ce sont des bactéries présentes sur notre peau, qui sont donc sans risque. Il faut plutôt se méfier des champignons qui peuvent se multiplier si le linge est mal séché. Pour un lavage écologique, il est préconisé de ne pas laver ses vêtements à plus de 40 °C, en « mode éco ». Une étude de l’Université de Leeds montre que le lavage peut être réalisé à 25 °C (en utilisant des produits adéquats) afin de diminuer les microparticules relâchées dans l’eau et la détérioration des linges (teintures).
Le lavage des vêtements à 30 °C a de multiples avantages :
- économies d’énergie,
- limitation du relâchement des particules dans l’eau,
- usure du vêtement plus lente.
Le lavage est une manière de respecter l’environnement et nos vêtements. Les vêtements de mauvaise qualité ne nous donnent pas toujours envie d’en prendre soin : une tache de peinture qui ne part pas sur un T-shirt à 5 € ? Ce n’est pas grave, j’en rachèterai un. Un jean made in France qui a rétréci à cause d’un lavage à 60 °C ? Cela est un peu plus problématique. Prendre soin de ses vêtements peut donner envie de se tourner vers une garde-robe de meilleure qualité, et pourquoi pas éthique ?
Finalement, l’eau fait partie intégrante de la vie d’un vêtement. Lors de la production, elle est souillée par des teintures, engrais et autres procédés chimiques ; lors de la vie du vêtement, des particules et produits chimiques y sont relâchés ; après usage, le vêtement continue de polluer les eaux. Il est primordial de repenser sa consommation (matière naturelle, peu de teinture) et son utilisation (lavage écologique) des linges. Utiliser des produits naturels et ne pas laver ses vêtements après chaque utilisation (sauf si tache ou odeur forte) permet de moins polluer les eaux et de moins abimer les vêtements. Carl Chiara, directeur de la société Levi Strauss & Co, avoue sans pudeur ne laver ses jeans que tous les six mois !
Pour aller plus loin sur le lavage à faible température, nous vous conseillons de vous pencher sur ce paradoxe du cycle de lavage.
Nos sources
« A quelle fréquence laver ses jeans ? L’entretien des jeans décrypté » Fourchette et Bikini
« Cinq conseils pour entretenir ses vêtements en respectant la planète » Camille DUFÉTEL pour L’Info Durable
« Comment réduire votre impact sur l’environnement avec un seul doigt ? » Sophie PAQUET pour Acteur Durable
« Impact du lavage des textiles naturels & synthétiques sur l’environnement » Kako pour Kakolina
« Une étude universitaire affirme que laver le linge à 25°C est meilleur pour l’environnement. Mais les vêtements ressortent-ils propres de la machine ? » avec Lucy COTTON, Stéphane GAYET pour Atlantico
« Vêtements écologiques : quelles fibres textiles choisir ? » Camille DUFÉTEL pour L’Info Durable
« Vous voulez sauver la planète ? Arrêtez de laver vos vêtements » Alice HUOT pour L’ADN
2 réponses sur “Bien laver ses vêtements, ou comment allonger leur vie”