Journal de bord | Coupe du Monde 2022 au Qatar

Dans ce troisième volet dédié aux droits humains bafoués, nous allons parler d’esclavagisme moderne, de question morale,et de l’irrespect de l’Homme en général. La violation des libertés n’est (peut-être) plus à démontrer, mais rentrer dans le détail des aberrations commises par le gouvernement qatari, oh que si.

Bienvenue à bord, installez-vous pour ce dernier tour d’horizon consacré aux discriminations liées à cette compétition.

Des infrastructures bâties contre des vies

“Il y a eu des milliers de morts pour construire les stades […].”

Adélaïde Charlier, co-fondatrice de Youth For Climate

Ce chiffre est bien connu depuis sa divulgation, en février 2021, par The Guardian : 6 500 morts. Des travailleurs originaires du Sri Lanka, du Pakistan, d’Inde, du Bangladesh ou encore du Népal ont perdu la vie depuis le lancement des travaux en 2010. 6 500 personnes ont péri, mais cette donnée est, bien entendu, erronée.

Des estimations, toujours des estimations.

“[…] en raison du manque de transparence autour de cette question et du fait que le Qatar ne publie pas ses données, il est extrêmement difficile de vérifier le nombre exact de travailleurs migrants décédés.”

May Romanos, chercheuse sur la région du Golfe pour Amnesty International

En effet, il manque certaines données.

Les décès survenus fin 2020 ne sont pas comptabilisés. Les migrants venus d’autres pays, comme les Philippines ou le Kenya, non plus. Aussi, n’oublions pas que l’arrivée des travailleurs et travailleuses au Qatar s’est fortement accélérée entre 2010 et 2022, passant de 1,1 million à 2,2 millions d’employés dans le pays.

On s’attend donc à un nombre de décès plus grand.

NB : Selon la Confédération syndicale internationale (CSI), 7.000 travailleurs mourront avant le premier coup de sifflet.

Le Qatar affirme que (seulement) 37 travailleurs auraient succombé sur les chantiers des stades. Oui peut-être, mais qu’en est-il de ceux tombés en dehors de ces lieux de construction ? Ceux employés pour édifier les autres infrastructures comme les aéroports, les routes, les hôtels…

Silence.

Selon une étude scientifique, les conditions climatiques extrêmes (dues à la chaleur et au taux d’humidité) ainsi que le stress et la pénibilité du travail ont contribué à la mort des travailleurs. Le pays hôte s’est bien gardé de divulguer les réelles causes des décès. Aucune explication n’était fournie aux familles des victimes hormis un certificat lâchement glissé dans le cercueil mentionnant que la « Mort naturelle » était l’unique conclusion.

Un rapport publié par L’Organisation International du Travail (IOT), et intitulé One is too many: The collection and analysis of data on occupational injuries in Qatar, compile le nombre de blessures et de décès liés au travail dans le pays. Ces données sont les plus précises jamais recueillies à ce jour.

Conditions de travail inhumaines pour les travailleurs et les travailleuses

« Avec les mesures de santé et de sécurité très strictes sur le site, la fréquence des accidents sur les chantiers de la Coupe du monde a été faible par rapport à d’autres grands projets de construction dans le monde »

Fifa

Certes, si l’on compare à “d’autres grands projets de construction dans le monde” et que l’on minimise les dégâts, facile ! Après tout, les migrants viennent au Qatar de leur plein gré, parce qu’il y a du travail ici et pis, ils sont mieux rémunérés que dans leur pays.

Oui oui.

Résumons donc leur quotidien :

Pas de libre accès à l’eau.

Pas de nourriture.

Pas de logements décents.

Pas de sanitaires.

Pas de règles de sécurité appliquées.

Pas de congés.

Pas de salaire versé.

Et pas le droit de s’en plaindre, sinon vous sautez.

Pour les “employées domestiques”, ajoutez à cette liste la maltraitance physique et morale ainsi que les abus sexuels et la séquestration. Ce sera tout.

Les grands groupes français de BTP, comme Bouygues, sont (bien entendu) présents au Qatar. Idéal pour augmenter les bénéfices grâce au travail forcé avec une main d’œuvre servile et sous-payée. À ce sujet, la CGT et l’ONG Sherpa ont par ailleurs investigué et porté plainte contre la filiale qatarie de Vinci – Qatari Diar Vinci Construction (QDVC) – en mars 2015 :

“Les enquêtes menées sur place concluent à l’utilisation par ces entreprises de menaces diverses pour contraindre une population vulnérable à des conditions de travail et d’hébergement indignes et à une rémunération dérisoire”

Source : Mr Mondialisation

Violation des droits envers les migrants via la “kafala”

Avec 90% de travailleurs étrangers, le Qatar emploie sa main-d’œuvre via un système juridique bien particulier : la “kafala”. Pour faire simple, le migrant est sous la tutelle de son employeur. A titre d’exemple, il ne peut pas entrer ou sortir du pays sans son autorisation. Son passeport est réquisitionné de toute façon. Bien entendu, aucun autre droit ne lui est accordé.

À travers cette loi, le gouvernement facilite l’abus et la dépendance des travailleurs à leurs employeurs. Les “exploités du Qatar” n’ont pas la possibilité de changer de travail, de faire grève, d’avoir un syndicat, de recevoir un salaire minimum (s’il est versé un jour) et le tout, sans disposer de couverture sociale.

Soulevons également que les migrants doivent s’endetter afin de régler les “frais de recrutement” pour disposer d’un travail à leur arrivée. Au Qatar, on vous fait payer pour pouvoir travailler.

Mais ne vous en faites pas, tout ça c’est du passé.

La loi Kafala a été supprimée en 2020 et de nouvelles réformes ont vu le jour :

« L’État du Qatar s’est engagé à créer un marché du travail moderne et dynamique. Conformément au plan Qatar Vision 2030, ces nouveaux textes de loi constituent une avancée majeure dans ce processus. Ils bénéficieront aussi bien aux travailleurs, aux employeurs qu’à l’ensemble de la nation »


Youssef Mohammad al-Othman Fakhroo, ministre du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales

Problème : elles ne sont pas appliquées.

Les droits humains bafoués, et pas seulement pour les ouvriers

Comme exposé précédemment, le Qatar est principalement montré du doigt en raison des conditions de travail inadmissibles sur les chantiers et pour l’entretien de leur domicile. Cette question morale n’est malheureusement pas la seule à se poser. Si l’on regardait par le bon côté de la lorgnette ? Voyons plus grand. Plus large. Parlons égalité entre les sexes et surtout entre les genres.

Amnesty International alerte sur la législation conservatrice au Qatar qui limite (disons-le clairement, bafoue) les droits à la vie privée et particulièrement ceux des personnes LGBTQIA+[1]. En effet, l’homosexualité n’est pas tolérée. Cette orientation est même considérée comme une maladie.

Dans un document publié le 24 octobre, l’ONG Human Rights Watch (HRW) rapporte les détentions arbitraires et maltraitances subies par cette communauté entre 2019 et 2022. Malgré l’autorisation de la Fifa à brandir le drapeau arc-en-ciel dans les stades, risquerez-vous 7 ans d’emprisonnement ? Auquel cas, ce sera un simple passage à tabac suivi d’une “thérapie de conversion”.

Le gouvernement qatari nie bien évidemment ces traitements et rappelle que la peine de mort n’est pas (non plus) abolie.

La condition des femmes ? Pas certain qu’il faille en parler. Le sexe faible est considéré comme tel, nul besoin d’étayer…


D’après un sondage de l’OpinionWay, 25% des Français souhaitent boycotter la Coupe du monde 2022 en raison de l’irrespect des droits humains. L’air de rien, si nous sommes des millions à le faire, il se pourrait qu’aucun autre événement sportif ne soit attribué à un pays comme le Qatar.

Il n’est jamais trop tard.

Il reste un brin d’espoir.


[1] Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Trans, Queers, Intersexes et Asexuelles

1 réponse sur “Troisième partie : Violation des droits et des libertés

  1. C’est intolérable, je déteste le faite de voir nos dirigeants complètement dépourvu de sensibilite , une vie n’a pas de prix , continuer de dénoncer les abus , ☮️ à toutes les personnes, qui perdent leur dignité pour enrichir les gens soient disant important, mais sans scrupules.

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