Journal de bord | Coupe du Monde 2022 au Qatar

Dans ce second volet consacré à l’Environnement, mettons en lumière l’aberration écologique de cette Coupe du monde. Les stades climatisés énergivores, bien connus et dénoncés de tous ne démontrent qu’une infime partie du scandale climatique. Voyons plus loin.  Parlons campagne de communication verte, construction et maintenance pharaonique des infrastructures, modes de déplacement des joueurs et des supporters ainsi que rejet de polluants.

Bienvenue à bord, installez-vous pour ce tour d’horizon consacré au greenwashing de cette compétition.

Greenwashing qatari, l’écologie sous pli – verdissons l’image du football et du pays

“La promesse de neutralité carbone est de la poudre aux yeux. Ce n’est pas une réponse à l’urgence climatique et peut être considéré comme du greenwashing/sportswashing. »

Julien Jreissati, directeur de programme pour Greenpeace au Moyen-Orient

Le ministre de l’Environnement du Qatar promet pourtant un « bilan carbone neutre » pour cette Coupe du monde 2022. Vaste ambition pour un des pays les plus chauds de la planète ! Cette annonce vient soutenir la présentation élogieuse des infrastructures et des projets ambitieux du pays lors de la COP26. Les visiteurs pourront, en effet, se déplacer en trottinette électrique (ou en métro) jusqu’aux stades durablement bâtis afin d’admirer l’équipe du Qatar toute de vert vêtue.

Packaging séducteur et pour preuve, le lobbying porte ses fruits. L’événement a décroché, en juin dernier, la norme ISO 20121 dédiée aux “systèmes de management responsable appliqués à l’activité événementielle” (source : Ecolosport).

“L’idée parfois défendue d’une Coupe du monde totalement écologique est avant tout une action de communication : le Mondial 2022 sera, au contraire, profondément anti écologique. »

Gilles Paché, professeur en sciences de gestion à l’université d’Aix-Marseille

NB : Mentionnons, en aparté, l’engagement de la Fifa à rendre le football totalement éco responsable d’ici 2040 à travers son plan de stratégie environnementale. Affaire à suivre.

Méga structures : stades climatisés à ciel ouvert dans le désert, mais démontables !

“On vous dit ‘la planète est en feu’ et on va applaudir dans des stades à ciel ouvert au Qatar. On marche sur la tête !”

Alexis Corbière, député de Seine-Saint-Denis

Comme dit plus tôt, le Qatar ne réunit pas les conditions adéquates pour la pratique sportive de haut niveau, notamment à cause des fortes chaleurs. En toute conscience, et en prenant compte de ces températures extrêmes, la Fifa a tout de même reprogrammé la compétition en hiver. De 45°C à l’ombre, nous passons à une moyenne de 25°C. Des climatiseurs sont donc prévus en cas de désagréments, pour plus de confort. Au cas où les personnes suffoqueraient.

“Les climatisations ne devraient pas servir pendant la Coupe du monde, mais elles seront effectivement utiles pour permettre la pratique d’autres compétitions à d’autres périodes de l’année”

Orjan Lundberg, expert développement durable chez Supreme Committee for Delivery & Legacy

Certes, le maintien d’une température convenable dans les stades contribue à l’émission de gaz à effet de serre, mais leur construction l’a été d’autant plus. Avec une sous-estimation de 1,6 million de tonnes de CO2 rejeté, les travaux titanesques ont également fait mal à l’écosystème. La critique principale est qu’un pays déjà équipé des infrastructures nécessaires aurait été (aussi) plus pertinent pour accueillir la manifestation sportive. Même après, une fois la Coupe de monde terminée, les stades ne serviront que de façon sporadique aux 3 millions d’habitants qataris restants.

Outre le système de réfrigération, et le coût de construction, l’un des douze stades a été édifié sur une presqu’île artificielle, permettant aux eaux du golfe Persique tout autour d’alimenter le système de climatisation. Ingénieux, mais malheureusement insuffisant si nous mentionnons les autres moyens énergétiques pour faire tourner ces infrastructures. Les stades sont des terrains de jeu gourmands quand on pense aussi à l’éclairage et à l’entretien des belles pelouses (nécessitant 5 000 mètres cubes d’eau potable chaque jour).

Autre avancée technologique et fierté de la Fifa : un des stades est entièrement démontable et transportable puisque ce dernier est construit avec des conteneurs.

“La construction du Ras Abu Aboud Stadium nécessitera moins de matériaux, créera moins de déchets et réduira l’empreinte carbone.”

Fifa

Quel est le prix de cette giga construction en termes de temps, main d’œuvre, risques à la démonter et la déplacer ? Ne vous en faites pas, on reparlera des conditions de travail et des droits Humains dans un troisième opus…

L’avion, mode de transport le plus utilisé pour la compétition – joueurs & supporters

Le (tout) petit pays du Qatar n’est pas en mesure d’accueillir 1,2 million de supporters sur son territoire. Soit, à tout problème une solution. Des navettes entre les pays voisins et les stades ont été prévues. Le public pourra donc se déplacer facilement et rapidement depuis n’importe quel pays frontalier jusqu’à Doha grâce au billet appelé “Match Day Shuttle. Avec une moyenne de 160 vols journaliers, ce trafic aérien représente un décollage toutes les dix minutes. Empreinte carbone toujours. En revanche, rien de culpabilisant pour le portemonnaie, pour 120€ vous voyagerez en classe affaires et assisterez au match. Et pour les joueurs ? Mystère… Retenons néanmoins la dernière intervention (humoristique) de l’entraîneur du PSG, lors d’une conférence de presse :

« On est en train de voir si on ne peut pas se déplacer en chars à voile. »

Christophe Galtier

NB : En plus des déplacements, s’ajoute une multitude de pollutions plus petites, mais non moins importantes : comme la nourriture, les projets hôteliers,ou les déchets générés par des millions de personnes au même endroit. La ville de Lusail fut, par exemple, construite spécialement pour la manifestation sportive. Grandiose.

Qatar, pays champion en rejet de CO² et gourmand en besoins énergétiques

Avec 37 tonnes de CO² rejetés par habitant, le pays est le plus grand pollueur de notre planète. À titre de comparaison, nous rejetons environ 5 tonnes par personne en France. Ces chiffres, datant de 2017, pourraient même être sous-estimés puisque le Qatar n’a pas officiellement déclaré ses émissions de gaz à effet de serre depuis 2007 selon Courrier International.

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Si nous revenons à la campagne de communication verte du pays accueillant la Coupe, l’électricité produite viendrait principalement de l’énergie solaire. Ambition compromise selon les pronostics où 1 000 km² de panneaux photovoltaïques devraient être installés (soit 1/10 de la surface du pays) pour alimenter les stades. La centrale nucléaire Barakah prendra alors le relais pour subvenir aux besoins gigantesques du spectacle.

« On nous dit par exemple qu’il y aura du solaire pour faire fonctionner tout ça, mais dans quelle proportion ? Aucune réponse. Ce que nous savons par contre, c’est que l’essentiel de l’électricité produite au Qatar l’est au moyen de centrales thermiques. »

Thierry Salomon, association négaWatt, Le Parisien

En réponse à ces différents besoins énergétiques, et les actions mises en place pour atteindre la neutralité carbone, les organisateurs du mondial de football n’ont pas non plus apporté de précisions. Dans la revue European Journal of Social Sciences, datant de 2017, des scientifiques en ont pourtant démontré la volonté (et non la capacité) d’organiser une compétition éco-responsable. Un positionnement encouragé puisque le financement de leur étude est géré par un fonds qatari.

L’ONU alerte de l’urgence climatique, et pointe (dès le début du rapport) le petit pays d’Émirat faisant évidemment écho au mondial de football. Mais pas que. Dans le palmarès de l’absurdité écologique, arrive en seconde marche l’Arabie Saoudite, pays désigné comme hôte des prochains jeux olympiques asiatiques d’hiver 2029, logique.

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