Il y a quelques jours, on vous donnait notre opinion sur la collection de mode LIDL (quoi ? vous avez déjà oublié ces baskets ? ça valait le coup), qui montre combien l’industrie textile se détourne des problèmes environnementaux et sociaux.
On aurait voulu vous dire que la fast fashion est l’œuvre des géants du secteur qui produisent chaque mois des centaines de modèles dans des usines asiatiques. Malheureusement, une marque créée il y a quelques années et estampillée 100 % français semble reprendre ces codes : des pièces fabriquées en France par milliers et vendues à bas prix.
Plutôt que de vous donner le nom de la marque, on préfère que vous reteniez les prix pratiqués (19 € pour un t-shirt et 59 € pour un jean fabriqués en France) pour vous expliquer les problèmes que la « fast fashion française éthique écolo » engendrent.
De bonnes conditions de production ?
La marque que nous questionnons vend à petit prix des vêtements fabriqués en France. Pour exemple, au moment de la rédaction de cet article (début juillet 2020), un T-shirt en 100 % coton floqué et fabriqué dans les Hauts-de-France était vendu 19,00 € au lieu de 25 €. Ici, deux choses nous posent soucis :
- Comme pour chaque marque, une réduction signifie que cette dernière réalise une marge assez importante pour se permettre de baisser les prix. En réduisant de 6 € le prix du T-shirt en coton fabriqué en France, la marque continue de réaliser des bénéfices. On sait pourtant à quel point il est encore difficile de dégager une marge intéressante lorsque l’on est une marque qui produit en France, donc on se demande naturellement quel peut être le prix de fabrication de chaque pièce.
- Nous connaissons les prix de la fabrication française. Pour proposer un T-shirt made in France à 19 €, le coût de fabrication doit être minime. Mais qui en paye les frais ? L’usine de confection, même si elle est française. Cette dernière est tiraillée entre le fait de devoir fabriquer x milliers de T-shirts à un rythme effréné pour un revenu unitaire faible et les répercussions qu’entrainerait l’abandon d’une commande d’une telle ampleur. Ainsi, alors que l’on pointe du doigt les grands groupes textiles qui font fabriquer dans les pays asiatiques pour baisser le prix de production – et donc de vente –, on retrouve ici le même schéma, mais de la part d’une entreprise française qui fabrique sur son propre territoire.
Et l’environnement ?
Comme nous l’avons vu, pour réduire les coûts de fabrication, la commande de T-shirt doit être élevée. Qui dit commande élevée dit forte production, voire surproduction et enfin surconsommation. Notre raisonnement est simple, mais il est réel. La fast fashion produit de nombreuses pièces à faible prix, vendues à bas coût, pour pousser à la surconsommation. Dans notre cas, le problème est insidieux, car on ne pense, en achetant du made in France, que l’on va contribuer à la déforestation ou à la dispersion de pesticide.
Pourtant, dès que l’on produit quelque chose de neuf, des nuisances environnementales découlent. Selon l’Ademe dans son rapport « La Mode sans dessus dessous », 24 % de l’utilisation globale des pesticides sont consacrés à la culture du coton, alors que cette plante représente seulement 2,4 % des surfaces cultivées. Donc, pour produire ce T-shirt en coton (origine non indiquée sur la fiche produit), confectionné en France et vendu 19 €, la marque française a contribué à la culture de ce coton qui a un lourd impact sur l’environnement. Toujours selon l’Ademe dans la « Modélisation et évaluation des impacts environnementaux de produits de consommation et biens d’équipement », la fabrication d’un T-shirt engendrent 10 kilogrammes de déchets. Cela provient du fait que la filature, la fabrication du fil, la confection du vêtement, la création de l’étiquette, etc. génèrent des déchets. Derrière chacun de ces T-shirts se trouvent 10 kilogrammes de déchets. Pas très vertueux.
Bien sûr, on ne jette pas la pierre aux entreprises ayant une réelle éthique qui produisent du tissu et font fabriquer des vêtements en France ou en Europe. On remet en cause le modèle de cette marque frappée d’un coq qui reprend les codes de la fast fashion (grosse production, prix attractif, faible considération de l’usine, etc.) tout en se présentant comme l’entreprise qui propose enfin du made in France à bas prix.
Un bilan lourd de sens
Finalement, nous pensons que cette fast fashion fabriquée en France est de qualité inégale : on ne peut pas offrir le prix, la valorisation du savoir-faire français et la qualité pour 19 euros. Les coupes sont pensées pour minimiser le travail, et qui dit moins de couture dit moins bonne qualité. Et cela est vicieux. En effet, une personne qui se tourne vers du 100 % français se retrouve avec un T-shirt distendu après quelques mois, et se dit que la qualité française ne vaut pas mieux que la qualité asiatique. Cela a une incidence sur les autres marques de mode éthique françaises, qui voient leur réputation baisser à cause d’une mauvaise expérience.
On ne peut que vous conseiller de rester vigilants, de vous informer et de décrypter ce qui se cache derrière quelque chose de trop parfait pour y croire.